Les ormes étaient auparavant indissociables de la vigne. Ils font partie de l’histoire des plantes compagnes de la vigne…

Les ormes, omniprésents jadis dans les campagnes et les vignes françaises ont aujourd’hui, à de rares exceptions près, disparu des paysages. Une maladie due à un champignon – Graphium ulmi – les attaque, dès 1914, qu’il s’agisse des ormes champêtres (Ulmus minor) ou des ormes de montagne (Ulmus glabra). Ils ne seront plus utilisés dans les alignements urbains, comme ce fut le cas dès le XIVe siècle à Paris, quai des Célestins, et seront remplacés par les platanes.

Ils ont dû leur succès à la solidité de leur bois : en 1552, Henri II prescrit de planter des ormeaux le long des routes pour servir aux affûts de canon. Sully demanda qu’il en soit planté un dans chaque village. Certains ormes quatre fois centenaires sont célèbres sous ce nom de Sully, tel celui de Villesèquelande, près de Carcassonne, au tronc d’une circonférence de plus de 5 mètres, classé « Arbre remarquable de France ». Certains ormes se signalent par leur originalité comme, dès le XIIIe siècle, l’orme de Saint-Gervais à Paris, symbole de justice, ou celui autour duquel fut construite au XVIIe siècle la chapelle Notre-Dame-de-l’Orme, à Saint-Martin-du-Mont, dans l’Ain.

Plus tard, ils accompagneront la création des canaux comme celui du Midi et seront replantés comme arbres de la liberté durant la Révolution. Aujourd’hui ne subsistent que des arbres très isolés, même si des variétés résistantes (tels l’orme de Lutèce) ont été replantées. Sont restées des traces dans la toponymie comme L’Houmeau, Oulme, Homps ou, dans le Gard ou dans la Drôme, les surprenants cols de l’Homme Mort (l’orme mort).

Amour partagé

Par ailleurs, leurs noms se retrouvent dans des domaines viticoles (Ormes de Pez, La Font des Ormes, Les Grands Ormes), et de très nombreuses cuvées de vin. Car les ormes étaient auparavant indissociables de la vigne. Ils font partie de l’histoire des plantes compagnes de la vigne*.

Le fait de marier la vigne à l’orme, de la faire monter sur son tronc et ses branches – conduite en hautain – est décrit par Virgile dans les Géorgiques, ou Columelle dans son traité d’agriculture (V, 7). Les ormes avaient l’avantage de pousser vite et de ne donner qu’une ombre légère permettant aux grappes de profiter du soleil. Le sol était ainsi laissé libre pour d’autres cultures céréalières ou maraîchères. Une pratique similaire, par exemple dans le sud-ouest, consistait à planter des lignes d’ormes dont les branches taillées à l’horizontale servaient d’espaliers, d’espalièras.

Partout, raconte Jules Michelet dans son Tableau de la France paru en 1833, « la vigne monte à l’orme. »
« Laissez-moi m’attacher à votre tronc robuste,
Disait un jour la Vigne à l’Ormeau, son voisin,
Sans vous, adieu ma tige, adieu mon doux raisin !
Je ne suis qu’un fragile arbuste
Que les bœufs fouleront sous leurs sabots pesants,
Et que viendra brouter quelque animal vorace »,

écrit Pierre Lachambeaudie (1806-1872) dans sa fable La Vigne et l’ormeau.
Heureusement, « l’orme aime la vigne, qui n’abandonne pas l’orme » (Ulmus amat vitem, vitis non deserit ulmum) écrit Ovide (Amours, 2, XVI). Elle peut en effet lui servir de « bâton de vieillesse ».

ormes et vignes

Non solus

Le symbolisme de cette union amoureuse, de ce mariage est largement exploité par les poètes.
Par Ronsard dans Thoinet et Perrot :
« Marion verra, peut-être, sur le bord
Un orme des longs bras d’une vigne enlacée. »

Ou dans Chanson :
« Plus étroit que la vigne à l’Ormeau se marie,
De bras souplement forts,
Du lien de tes mains, maîtresse, je te prie,
Enlace-moi le corps. »

Symbole de l’union amoureuse, de l’amitié éternelle, mais aussi de l’union familiale comme en témoigne le blason choisi au XVIe siècle par les imprimeurs protestants et hollandais Elsevier : un orme embrassé par une vigne, et la devise latine Non solus (je ne suis pas seul).

Le bois imputrescible des ormes servira aussi à édifier des treilles et à fabriquer des piquets de vigne. Aujourd’hui, l’orme est cité parmi les plantes compagnes de la vigne parce qu’il participe au réseau mycorhizien d’un sol vivant, et des expériences sont tentées pour réintroduire dans les vignes des espèces résistantes à la graphiose.

André Deyrieux – ad@winetourisminfrance.com